Edito du Monde

Une « tragédie nationale ». Le président de la République a eu les mots justes pour qualifier la tuerie survenue, lundi 19 mars, dans une école juive de Toulouse. Trois enfants et un enseignant, rabbin, exécutés de sang-froid, par un homme seul, jusque dans l’entrée de l’établissement. Avec la même arme qui, déjà, à Montauban le 11 mars et à Toulouse le 15 mars, avait servi à tuer, méthodiquement, trois militaires français.

Une tragédie nationale dont l’onde de choc a pétrifié, dans l’instant, une ville, une région, le pays tout entier. Avant de répercuter son écho dans le monde, de Jérusalem à Washington. Une tragédie nationale qui plonge chacun dans l’effroi et la consternation, dans l’incompréhension devant l’absurde, dans la révolte contre l’injustifiable.

Les candidats à l’élection présidentielle ont eu la réaction qui s’imposait. Ils ont suspendu leur campagne, leurs polémiques, leurs empoignades, leurs petites phrases, annulé leurs émissions, reporté leurs réunions publiques, participé, à Toulouse, à Paris ou ailleurs, à des moments de recueillement. L’heure est, évidemment, à la douleur partagée, oecuménique autant que républicaine. Le temps du deuil. Celui des quatre tués de Toulouse comme celui des trois militaires, à qui les honneurs seront rendus, mercredi, en présence du chef de l’Etat.

Tant il est évident que l’unité nationale est la seule réponse possible face à un drame de cette nature. Un drame d’autant plus symbolique qu’il atteint trois composantes de l’identité républicaine : l’école, son creuset, l’armée, qui le fut longtemps, et la protection due à tout citoyen, sans distinction d’origine ou de religion.

Chacun l’a compris, pesant ses mots pour échapper à tout soupçon de vouloirrécupérer la compassion à son avantage. Ou à afficher trop ostensiblement sa solidarité avec la communauté juive, odieusement frappée, une nouvelle fois. Saluons cette dignité. Souhaitons qu’elle ne s’efface pas trop vite.

Mais ce temps de silence, comme la minute du même nom qui a été observée, mardi, dans toutes les écoles du pays, ne peut être que le prélude à une « réflexion nationale ». La formule est de François Bayrou, à Grenoble, où il a maintenu le meeting prévu lundi soir. Cela a pu choquer. A tort.

Car le candidat centriste a posé, gravement, des questions fortes. Quels que soient les motivations du meurtrier de Toulouse, les ressorts de sa folie barbare,« ce type de folie s’enracine dans l’état d’une société », d’une société française, en l’occurrence, où « le degré de violence et de stigmatisation est en train de grandir »,a déclaré M. Bayrou. Et d’ajouter : « Les hommes publics ont le devoir de veiller à ce que les tensions, les passions, les haines ne soient pas à chaque instant entretenues. Le fait de montrer du doigt les uns et les autres, c’est faire flamber les passions, et on le fait parce que dans ce feu-là il y a des voix à prendre. »

La charge est violente. Elle vise une responsabilité collective.

Tant il est clair que le rejet de l’Autre – plus encore : la haine de l’Autre – est un poison mortel pour la République.

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