Marielle de Sarnez sur le Brexit

L’accord conclu vendredi entre le gouvernement britannique de David Cameron et l’Union européenne porte en lui des germes dangereux et redoutables pour l’avenir de l’Europe.

Alors que nous sommes confrontés à d’immenses défis, qu’une escalade militaire sans précédent menace en Syrie, que la situation humanitaire s’y dégrade dangereusement, que les réfugiés continuent par milliers de rejoindre la Grèce au péril de leurs vies, ce dernier Conseil européen a été entièrement consacré à mettre en scène avec, et pour David Cameron, un compromis dont le contenu était d’ailleurs arrêté et connu depuis près de quinze jours.

Avoir accepté de négocier, comme l’ont fait pendant deux jours les responsables européens, sous la menace d’une sortie de l’Union, un amoindrissement de sa volonté d’union, c’est entrer dans un mécanisme de décomposition qui ne s’arrêtera pas à la crise actuelle et ne se limitera pas à la Grande-Bretagne. C’est exactement la signification des négociations embrouillées qui se sont achevées dans la soirée de vendredi.

La Grande-Bretagne est bien sûr une part essentielle de l’Europe, de son identité, de son histoire, de sa culture et nous sommes nombreux à éprouver pour le peuple britannique, ses traditions, son originalité, un attachement profond.

Mais l’Union européenne est une entreprise historique de très grande importance, la seule qui peut nous permettre de façonner notre destin. Elle ne doit pas être trahie ! L’Union est une solidarité non seulement pour le présent, mais pour le futur et c’est bien cela que définit la formule « union toujours plus étroite » qui est la lettre et l’esprit des traités.

Depuis l’adhésion de la Grande-Bretagne des forces puissantes n’ont de cesse, tantôt ouvertement, tantôt subrepticement, de détourner ce projet d’union politique, de volonté politique partagée, vers un autre projet : chacun pour soi et le commerce pour tous. On voit quels intérêts sert la perspective d’une Europe durablement incapable de se souder sur les questions essentielles.

Plusieurs remarques : d’abord le statut juridique de l’accord. On apprend qu’il ne s’agirait pas d’un accord engageant les institutions, mais d’un « accord personnel des chefs d’État et de gouvernement »… Autrement dit une manière de porter atteinte aux traités hors cadre des traités. C’est dire la mauvaise conscience des signataires éventuels.

Ensuite cet accord consent un « statut spécial » au Royaume-Uni. Comme si ce n’était pas déjà le cas depuis longtemps, avec l’empilement de dérogations déjà consenties ! Mais surtout, qui peut croire que si l’on accorde un statut spécial aux uns, il n’y aura pas de revendication d’un statut spécial pour d’autres ? Cette union à la carte entraînera un détricotage progressif que chaque difficulté aggravera.

Enfin, croire que des aménagements byzantins vont dissuader les électeurs de trancher dans le vif, c’est se bercer d’illusions. Les électeurs vont droit à la question essentielle et il est bien naïf de croire que l’on peut ruser avec eux. Cameron croit qu’il peut jouer au plus malin : il peut très bien s’être piégé tout seul et le référendum se retourner contre lui !

Tout le monde, au bout du compte, y aura perdu. Par manque de fermeté et de conviction de nos dirigeants et des responsables européens. Alors que la seule réponse possible pour que les peuples retrouvent confiance dans l’avenir européen, c’est au contraire de construire l’Europe politique, de faire preuve de volonté, et de détermination, pour résoudre, ensemble, les immenses défis auxquels nous sommes confrontés.

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