Intervention en plénière, en présence du Premier ministre grec, Alexis Tsipras
Messieurs les Présidents,
Monsieur le Premier ministre,
Merci d’être parmi nous ce matin, dans ce Parlement qui est l’enceinte de la démocratie européenne. Le groupe ALDE a ardemment souhaité ce débat.
Je voudrais vous faire 3 propositions.
- Changeons de méthode
- Donnons un contenu concret au slogan « rester dans l’euro »
- Lançons une initiative contre la pauvreté
1. Changeons de méthode !
Après des négociations intergouvernementales, derrière des portes closes qui ont manifestement échoué, nous pouvons enfin ouvrir une discussion transparente et transfrontière.
Car il n’y a pas l’euro des Allemands ou des Français et l’euro des Grecs.
Il n’y a qu’un euro. Notre euro. Il doit n’il y a avoir qu’une démocratie et pas des votes séparés, qui montent les peuples les uns contre les autres.
Nous avons besoin de nous parler directement et de décider ensemble.
Ce Parlement a, par le passé, réalisé les seules auditions publiques et la seule évaluation politique de la « troïka ».
Nous pouvons aller plus loin ; au lieu d’un suivi par les « institutions » qui, quel que soit le nom qu’on leur donne, restent au niveau technique, nous pourrions passer à un monitoring politique, dans la durée, de la mise en œuvre de l’accord qui viendrait à être trouvé d’ici dimanche.
Ce changement de procédure peut aider à trouver des solutions dans la dignité et le respect mutuel. Mais il ne peut pas nous épargner les efforts que la gravité de la situation commande.
2. Donnons un contenu au slogan « rester dans la zone euro »
Nous savons que le peuple grec veut rester dans la zone euro.
Mais nous savons aussi que, suivant vos indications, il a dit non à certaines propositions.
Concrètement, précisément, à quoi est-il prêt à dire oui ?
Guy Verhofstadt a donné une liste précise de réformes urgentes.
Vous avez fait devant nous un plaidoyer très juste contre les oligarchies, le clientélisme et la fraude fiscale ; comme dirait une publicité bien connue « Just do it » !
Tout accord devra respecter les règles communes, loyalement, à commencer par celles qui régissent la BCE qui est la banque centrale de tous les 19 Etats membres et de 330 millions d’Européens?
Etes-vous prêts à tenir compte de l’avis des 18 peuples qui, tout autant que les Grecs, sont concernés par le destin de la monnaie unique mais n’ont pas été consultés ?
Nous partageons notre souveraineté, à la suite d’un choix volontaire.
Nous devons tous prendre nos responsabilités.
Un mot sur les réparations qui, selon votre gouvernement, seraient dues au titre de la seconde guerre mondiale : l’Europe est bâtie sur le rejet des erreurs du traité de Versailles, sur la réconciliation, pas sur les demandes de réparation.
Demandez à Barack Obama, la prochaine fois que vous l’aurez au téléphone, de vous confirmer ce qui s’est passé après la chute du mur de Berlin : ce sont les Américains qui, dans le traité 2+4 du 12 septembre 1990 ont insisté pour qu’il soit renoncé aux réparations. Il y avait une bonne raison. Signé 45 ans après la fin de la guerre, ce traité était tourné vers l’avenir.
Et Monsieur Tusk peut témoigner, comme ancien Premier ministre polonais, à quel point il serait dangereux d’y toucher : ce traité fixe les frontières de l’Allemagne, de la Pologne.
Ne ressortons pas les cadavres du passé. Tournons nous ensemble vers l’avenir.
3° Enfin, utilisons ce moment particulier pour lancer un grand plan de lutte contre la pauvreté.
Pas seulement pour les Grecs, pour tous les Européens démunis.
Comme Présidente de l’intergroupe de lutte contre la pauvreté de ce Parlement, je puis vous assurer que nous sommes conscients des souffrances d’une partie du peuple grec, des jeunes au chômage qui ont voté NON massivement dimanche, des familles qui vivent sur une petite pension.
Peu importe qui a créé la situation, la Grèce, l’Europe, il faut regarder devant et les aider à reprendre espoir.
En Europe, il n’y a pas des riches dans certains pays et des pauvres de l’autre. Il y a de la misère en France, en Allemagne. Il y en a au Portugal en Irlande, en Espagne dans les pays qui n’ont pas ménagé leurs efforts de redressement et qui méritent tout notre respect pour leur sérieux.
Dans le Nord de l’Europe, en Italie il y a des salariés modestes qui se demandent à quoi vont servir leurs impôts. Ils veulent bien aider le peuple grec mais nous leur devons la garantie que leur argent sera bien employé, que tous les Européens seront traités équitablement.
Et partout, il y a des personnes aisées qui refusent de payer leurs impôts, des entreprises qui font tout pour échapper à leur devoir fiscal. C’est pourquoi ce Parlement travaille sur les questions fiscales.
*
Vous avez parlé de la nécessité de « respecter le choix des peuples ». Je vous invite à respecter tous les peuples, dans un esprit coopératif et authentiquement démocratique.
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