Les dix États membres d’Europe centrale et orientale ainsi que le Danemark ont engagé une procédure dite d’alerte précoce, au titre du contrôle de subsidiarité, pour contester la récente proposition de la Commission européenne de réformer la directive controversée sur le détachement des travailleurs.
Conformément aux orientations prises en 2015 lors du Sommet social européen tripartite contre le dumping social, l’exécutif européen avait en effet décidé de remettre enfin de l’ordre dans cette législation dont l’application, depuis 1996, malgré plusieurs modifications, a toujours été une source de conflits.
Comme le souligne la commissaire européenne à l’Emploi, Marianne Thyssen, il y a une grande différence entre les travailleurs détachés et locaux. Ils travaillent les uns à côté des autres, ils font le même travail, et l’un peut gagner 35 % de moins que l’autre. Ceci n’est pas acceptable.
La Commission européenne propose désormais d’appliquer un principe simple : à travail égal, salaire égal. Concrètement, la révision prévoit d’aligner les principes de la rémunération d’un travailleur détaché sur ceux de son homologue résidant durablement dans le pays. Autrement dit, au lieu de se contenter de respecter les règles relatives au salaire minimum dans le pays où s’effectue la prestation, l’employeur devra désormais intégrer d’autres normes, conventions collectives, bonus, indemnités, avantages divers…
En revanche, cette révision ne modifie pas, pour le moment, le principe du paiement des cotisations sociales au pays d’origine du travailleur détaché et non au pays de prestation. Je le regrette, mais au moins si le débat parlementaire s’ouvre, nous pourrons y faire valoir nos arguments.
Or, en déclenchant un « carton jaune », les États contestataires visent à le clore avant même qu’il ne débute.
La Commission a évidemment tout notre soutien pour tenir bon, et ne pas retirer sa proposition de modification. Dans le cas contraire, un recul créerait inévitablement une crise supplémentaire dont l’Europe n’a pas besoin. Que la Commission y soit bien attentive ! D’ailleurs, on voit mal pourquoi la directive sur le détachement des travailleurs serait conforme au principe de subsidiarité depuis 20 ans, mais pas sa modification éventuelle.
La libre circulation des travailleurs européens est un droit garanti. Mais le dumping social est un abus de droit. C’est pourquoi, je souhaite que s’ouvre ce débat, que soit enfin révisée la directive, pour que cessent les situations injustes de concurrence entre travailleurs dans un même pays.