La nouvelle Commission européenne a décidé de concentrer son action autour des deux grandes priorités européennes que sont la croissance et l’emploi. C’est une bonne nouvelle pour l’Europe qui vit depuis des années une crise économique profonde et qui a besoin d’un signal fort et concret de la part de ses nouveaux dirigeants, après les années d’atonie de l’ère Barroso. Le plan d’investissement Juncker avec son mécanisme d’amorçage de 21 milliards d’argent public qui vise à lever 15 fois plus dans le privé, répond à cette ambition à condition, naturellement, que les États européens accompagnent le dispositif en poursuivant leurs réformes structurelles et la modernisation de leur appareil administratif afin de convaincre les investisseurs privés de choisir l’Europe plutôt que d’autres continents.
Cette affirmation est sans aucun doute plus vraie encore pour le gouvernement français qui, depuis trop d’années, alternance après alternance, reste à la surface des choses, annonçant des simplifications qui n’en sont pas, et des réformes qui tardent à venir. J’en veux pour exemple le projet de loi « pour l’activité et l’égalité des chances économiques » qui est une sorte de fourre-tout, où certes tout n’est pas mauvais, je pense en particulier au travail le dimanche, mais qui ne répond en rien aux vrais enjeux économiques, fiscaux, et administratifs du pays. J’en veux pour exemple également la nouvelle carte des régions de France qui là aussi ne répond en rien aux enjeux géographiques, historiques, culturels, stratégiques, et ne permettra aucune économie réelle.
La croissance et l’emploi, c’est évidement la plus grande et la plus urgente des priorités. Mais il y en a d’autres qui relèvent également de la dimension européenne, seul espace de décision et d’action pertinent pour gagner en efficacité. Je pense évidemment à la question de l’harmonisation fiscale avec un calendrier clair et précis, afin d’offrir à nos entreprises la stabilité nécessaire et d’avancer enfin vers la gouvernance économique de la zone euro.
D’autres questions essentielles doivent également être traitées comme la mise en œuvre d’une politique européenne d’immigration et une vraie politique étrangère et de défense pour répondre aux défis de notre début de siècle marqué par une instabilité hautement dangereuse.
Dernière priorité et non des moindres, le dossier climatique et environnemental. Deux rapports récents nous en rappellent l’urgence. L’Agence européenne pour l’environnement (AEE) vient ainsi de préciser qu’environ neuf habitants sur dix des villes européennes respirent un air chargé de polluants considérés comme responsables de 400 000 morts prématurées chaque année. Quant au GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat) il a indiqué que les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont atteint les niveaux les plus élevés depuis 800 000 ans, affectant la sécurité alimentaire du fait de la baisse des rendements céréaliers et des ressources d’eau potable, des risques accrus d’inondation et, par voie de conséquence des déplacements de population et des risques de conflits accrus.
En Europe, la probabilité d’une canicule a été multipliée par dix. C’est dire l’urgence pour nos pays d’agir et je me félicite de l’adoption, en octobre dernier du nouveau cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, avec une réduction de 40% des émissions de gaz à effet de serre, une part des énergies renouvelables portée à 27% du mix énergétique et un pourcentage identique de 27% d’économie d’énergie.
Bien sûr, certains auraient voulu aller plus loin. Mais pour cela il faudrait que l’économie européenne redémarre vite et sur le long terme, et c’est tout l’intérêt du plan Juncker qui vise les secteurs stratégiques dont celui de l’énergie. Ce que je constate en tout cas, c’est qu’à la veille de la conférence de Paris qui aura lieu en décembre 2015, l’Europe fait des propositions sérieuses et surtout soutenables.
Un dernier mot sur ce sujet de l’environnement et de la qualité de l’air. En présentant son plan d’investissement, la commission européenne a envisagé de différer l’adoption de plusieurs textes relatifs aux paquets législatifs sur la qualité de l’air et l’économie circulaire, afin de concentrer son action sur la croissance et l’emploi. Même si nous sommes bien loin de remplir les objectifs fixés par les textes actuels, c’est un affichage qui me semble mal venu car il pourrait donner le sentiment qu’on oppose environnement et économie. Or, nous devons agir en même temps en faveur de la protection de l’air et de l’environnement, et pour la relance de l’économie.
Très belles fêtes à toutes et tous.
Marielle de Sarnez